vendredi 31 août 2012

L'enfant de la haute mer, Jules SUPERVIELLE




Ah qui ne l'a pas lu a l'ecole ?
Ca m'a fait plaisir de retrouver ce conte particulierment bien illustré par Jacqueline Duhême qui exprime bien ce coté onirique et enfantin du conte.


Bref une edition interessante pour faire decouvrir ce tres beau texte.


lundi 27 août 2012

Les quatrains d'Omar KHAYYAM

Voila ce que j'avais comme references concernant Omar Khayyam, ce poete-mathematicien-erudit de la Perse du XIeme siecle. Un mulsuman ouvert a la vie qui avait eu quelques deboire avec les integristes de son temps mais montrait un Islam epicurien, sceptique quant aux dogmes, aux extremismes et aux moralisateurs puisqu'a la fin tout est vain : « Ne crois pas que tu sauras quelque chose quand tu auras franchi la porte de la Mort. Paix à l'homme dans le noir silence de l'Au-Delà ! »

Ci apres ce que j'avais noté de lui :

Autrefois, quand je fréquentais les mosquées,
je n'y prononçais aucune prière,
mais j'en revenais riche d'espoir.
Je vais toujours m'asseoir dans les mosquées,
où l'ombre est propice au sommeil.
...
Lorsque je serai mort, lavez-moi avec le fus de la treille;
au lieu de prières, chantez sur ma tombe les louanges de la coupe et du vin.
Si vous désirez me retrouver au jour dernier,
cherchez-moi dans la poussière du seuil de la taverne.
...
Je veux boire tant et tant de vin
que l'odeur puisse en sortir de terre quand j'y serai rentré,
que les buveurs à moitié ivres de la veille qui viendront sur ma tombe
puissent, par l'effet seul de cette odeur, tomber ivre-morts.
...
Puisse l'amant être toute l'année ivre fou,
absorbé par le vin, couvert de déshonneur!
lorsque nous avons la saine raison, le chagrin nous assaille de tous côtés;
à peine sommes-nous ivres, eh bien, advienne que pourra!
...
Elle passe bien vite la caravane de notre vie !
Sois sur tes gardes, ami, car c'est le temps de la joie qui s'echappe ainsi
Ne perds rien de l'instant, ne pense pas au lendemain de cette nuit
Prends du vin et saisis les doux moments de la vie.
...
Où est donc la musique ? Où est le vin ?
Vite, faisons honneur à la gourde! Heureux qui se souvient du vin du matin!
Oh! il existe en ce monde trois choses qui sont chères:
une tête prise de vin, une belle amoureuse et le bruit du matin.
...
On assure qu'il y a un paradis peuplé de femmes vierges,
qu'on y trouvera du vin limpide et du miel.
N'est-il donc pas permis d'aimer le vin et les femmes ici-bas,
puisque notre fin aboutie déjà à cela?
...
Demain, j aurai franchi le mont qui nous sépare,
avec un bonheur indicible je prendrai une coupe de vin.
Ma maîtresse m'est favorable, le temps m'est propice :
Si je ne m'empresse de jouir d'un tel moment, quand donc jouirai-je?
...
J'ai bien longtemps cherché dans ce monde d'inconstance
qui nous sert un moment d'asile; j'ai employé dans mes recherches
toutes les facultés dont je suis doué; eh bien! j'ai trouvé que la lune pâlit
devant l'éclat de ton visage, qu'à côté de ta taille le cyprès est difforme.
...
Pour l'amour je suis prêt à subir tous les blâmes,
si je transgresse mon serment, j'accepte d'en subir la peine.
Oh! dussé-je endurer jusqu'au jour dernier les tourments qu'il me causes,
Que ce temps me semblerait encore trop court.
...
Mon pauvre coeur, plein de douleur et de folie
n'a pu dissiper l'ivresse d'aimer.
Oh! le jour où le vin de cet amour a été distribué,
ma coupe a été sans doute puisée dans le sang de mon coeur!
...
Pendant que je tirais l'horoscope du livre de l'amour,
tout à coup, du coeur brûlant d'un sage sortirent ces mots:
"Heureux celui qui en sa demeure possède une amie belle comme la lune,
et qui a en perspective une nuit longue comme une année!"




Puis j'ai acheté cette traduction dite plus fidele que celle commune de Fitzgerald, et debarassée des ajouts apocryphes. 

Je l'ai lu .

Et c'est un tout autre homme que l'on nous montre. Un religieux qui parle de l'ivressse du vin comme image de l'ivresse du divin. Qui met en garde et moralise. Il devient un soufiste fidele bien loin de l'image qu'on lui connait. Un precheur de plus.  
Selon le traducteur il existe bien des poetes persans parlant d'amour et ecrivant des vers sensuels mais "il est inconcevable de mettre le sheik Khayyam dans la même categorie.La passion d'amour [...] est dirigé exclusivement vers le Dieu créateur."
"Les lecteurs ont souvent trouvés des expressions d'ignorance, outrageantes et même heretiques, qui ont été citées intentionnellement pour présenter l'auteur sous un certain angle." Bref Khayyam est un religieux soufiste a qui les occidentaux volontairement ont detourné le message pour en faire un dissident de l'Islam.

Mon gout va vers le poete persan plutot que vers le pretre soufi. Peut-etre la verité est-elle entre les deux propositions comme bien souvent.

Pour conclure je n'ai pas beaucoup apprecier cette traduction nettement engagée religieusement ... mais j'aurai du me douter puisqu'elle est editée chez Albin Michel en collection spiritualité vivante :(  




Laissez-moi , Marcelle SAUVAGEOT



Marcelle Sauvageot est une femme litteraire d'une trentaine d'année qui rentre au sanatorium atteinte d'une tuberculose qui lui sera fatale. Elle est amoureuse d'un homme qui, d'une lettre, lui apprend qu'il va se marier et lui assure de son amitié la plus profonde. De là elle va decrypter  l'évolution de sa relation avec lui, les signes avant coureur de la rupture et analyser ses sentiments.

Un livre magistral sur l'amour et la rupture du point de vue feminin ... L'auteur decortique les mecanismes qu'a utilisé l'être aimé pour se separer d'elle. C'est de la souffrance les yeux ouverts. Un livre court mais tres instructif, par exemple j'y ai retrouvé des situations connues et j'ai compris qu' alors que j'avais voulu menager une femme j'avais pu la faire plus souffrir. Essayer de consoler quelqu'un qu'on quitte c'est se donner trop d'importance. On y retrouve les petites lachetés , les façons de se convaincre soi-meme du bien fondé de nos actes, et la douleur. Au fil des pages elle organise sa resistance emotionnelle d'autant que la maladie se fait plus pressente,

J'ai apprecié ce livre poignant et limpide, sincere et vecu.

jeudi 9 août 2012

La douleur, Marguerite DURAS








Avec 'la douleur' on reste dans le thème de la seconde guerre mondiale du point de vue de l'après guerre à Paris.

Marguerite Duras à travers plusieurs nouvelles aborde le retour des déportés, la joyeuse anarchie apres le départ de l'occupant, la chasse aux nazi et aux collabos ainsi que quelques textes née de son imagination qui se ratachent aussi a l'apres guerre. Ayant certainement le front trop bas, je n'ai pas pu apprecier ces derniers textes. En revanche j'ai particulierement aimé le premier texte sur l'attente, la souffrance et le combat contre la mort. Ainsi que celui sur l'interrogatoire d'un 'donneur' ou les résistants sont police, juge et bourreau de ceux qui furent denoncé comme collabo. On imagine aisement  le nombre d'injustices et de reglements de compte gratuit !

Les récits sont très prenant, on y explore autant les sentiments que l'histoire. Seul m'ont géné quelques passages où l'auteur intellectualise les situations, leurs faisant perdre leur force brut pour devenir spéculatif.
 
Citations :

"Quand je meurs, je ne le rejoins pas, je cesse de l'attendre."

"On ne parle pas encore des juifs à Paris. Leurs nouveau-nés ont été confié au corps des FEMMES PREPOSEES A L'ETRANGLEMENT DES ENFANTS JUIFS expertes en l'art de tuer à partir d'une pression sur les carotides. Dans un sourire, c'est sans douleur, elles disent. Ce nouveau visage de la mort organisée, rationalisée, découvert en Allemagne déconcerte avant que d'indigner. On est étonné. Comment être encore allemand ? On cherche des équivalences ailleurs, dans d'autres temps. Il n'y a rien."

"La lutte a commencé très vite avec la mort. Il fallait y aller doux avec elle, avec délicatesse, tact, doigté. Elle le cernait de tous cotés. Mais tout de même il y avait encore un moyen de l'atteindre lui, ce n'était pas grand, cette ouverture par où communiquer avec lui mais la vie était quand même en lui, à peine une écharde, mais une écharde quand même.  La mort montait à l'assaut. 39,5 le premier jour. Puis 40. Puis 41. La mort s'essouflait. 41 : le coeur vibrait comme une corde de violon. 41, toujours, mais il vibre. Le coeur, pensions nous, le coeur va s'arrêter. Toujours 41. La mort, à coup de boutoir, frappe, mais le coeur est sourd. Ce n'est pas possible, le coeur va s'arrêter. Non."







mercredi 8 août 2012

Memoires d'Hadrien, Marguerite YOURCENAR






Ce fut mon livre du mois de Juillet ... 1 mois pour le lire  !

Ce n'est pas qu'il soit particulierement difficile a lire ( quoiqu'il demande un peu plus de concentration qu'un thriller americain ... ) ou a comprendre mais qu'il est SAVOUREUX !
Je l'ai degusté ! Chaque moment passé avec ce livre fut un moment privilegié. Il est tres bien écrit et riche en réferences historiques.  Hadrien, comme un philosophe grec, dispense sa sagesse au fil des pages.

C'est un livre très dense dont la structure des phrases semble tirée des versions latines de mon enfance. Tres loin du peplum ou du roman historique classique.
Le travail est titanesque et la somme des connaissances pour produire un tel travail est egale a celle d'un historien specialisé, doublé des talents d'un grand auteur. Autant dire que ce n'est pas un livre comme les autres.

La philosophie d'une époque se confronte a celle de l'homme sage, à la vie bien remplie, qui fait le bilan.  Les themes sont tres actuels : le pouvoir (vu sous l'angle du vainqueur), l'amour (notement homosexuel), la mort ( celle de l'être aimé et la sienne ) , ... Marguerite Yourcenar a fait des choix dans son angle de prise de vue, mais le fait qu'elle fasse parler Hadrien explique qu'ils ne sont pas neutre : comme par exemple son accession au pouvoir ou la mort d'Antinous  dont il existe plusieurs versions .

Cet Hadrien est au tres attachant, il est une lumiere dans l'histoire romaine, une respiration dans les conquêtes sanglantes, on aime cet auguste vieillard qui fait le point sur sa vie avec lucidité.
Un livre que je remettrai volontiers de nouveau dans ma 'reading list' pour relecture ! 
Une inspiration pour nos dirigeants ....



Citations :

"La douleur se décante, le désespoir devient pur."

"La mémoire de la plupart des hommes est un cimetière abandonné où gisent sans honneur des morts qu'ils ont cessé de chérir."

"Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l'esclavage: on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d'imaginer des formes de servitude pires que les nôtres, parce que plus insidieuses : soit qu'on réussisse a transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libres alors qu'elles sont asservies, soit qu'on développe chez eux, à l'exclusion des loisirs et des plaisirs humains, un gout du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares. A cette servitude de l'esprit, ou de l'imagination humaine, je préfère encore notre esclavage de fait.Quoiqu'il en soit, l'horrible état qui met l'homme a la merci d'un autre homme demande à être soigneusement règlé par la loi. J'ai veillé a ce que l'esclave ne soit plus cette marchandise anonyme qu'on vend ..., cet objet méprisable dont un juge n'enregistre le témoignage qu'après l'avoir soumis a la torture, au lieu de l'accepter sous serment. J'ai défendu qu'on l'obligeât aux métiers déshonorants ou dangereux, qu'on le vendit aux tenancier de maisons de prostitution ou aux écoles de gladiateurs. Que ceux qui se plaisent à ces professions les exercent seuls : elles n'en seront que mieux exercées."

"Nouménios me fit parvenir une Consolation dans les règles ; je passai une nuit à la lire ; aucun lieu commun n’y manquait. Ces faibles défenses élevées par l’homme contre la mort se développaient sur deux lignes : la première consistait à nous la présenter comme un mal inévitable ; à nous rappeler que ni la beauté, ni la jeunesse, ni l’amour n’échappent à la pourriture ; à nous prouver enfin que la vie et son cortège de maux sont plus horribles encore que la mort elle-même, et qu’il vaut mieux périr que vieillir. On se sert de ces vérités pour nous incliner à la résignation ; elles justifient surtout le désespoir. La seconde ligne d’arguments contredit la première, mais nos philosophes n’y regardent pas de si près : il ne s’agissait plus de se résigner à la mort, mais de la nier. L’âme comptait seule ; on posait arrogamment comme un fait l’immortalité de cette entité vague que nous n’avons jamais vu fonctionner dans l’absence du corps, avant de prendre la peine d’en prouver l’existence. Puisque le sourire, le regard, la voix, ces réalités imponderables étaient anéanties, pourquoi pas l'âme ?"