Il s'agissait d'ecrire un soliloque a la façon d'un extrait de ‘la chute’ d’Albert CAMUS …
La soirée est longue, interminable, assis sur le Chesterfield brun, face à l’imposant portrait de mon non moins imposant paternel, l’homme aux yeux de faucon.
Sur fond de silence tout neuf, avec une acuité qui m’etonne, je perçois le bourdonement du radiateur à bain d’huile au salon, le craquement de mes articulations et le frottement de mes chaussons sur les tapis.
Les marches de l’escalier qui mennent à ma chambre sont un cap difficile à passer...
Ne pas fixer le sommet, cela fait dangereusement tanguer les murs, non ! Je dois me concentrer sur mes pantoufles. Voila. Une par une les filles, on escalade ces vilaines marches. Allez ! Allez ! Al-lez …. Bien on y arrive … Bravo les filles, on y est !
J’y serai jamais arrivé sans vous, mes bonnes pantoufles !
Parvenu à ma chambre, le souffle court, je fais tomber le plaid écossais qui couvrait mes épaules et me voila dans mon vieux pyjama kaki et moutarde, pur pilou !
Je m’appuie sur le lit, peut-être un peu trop fermement, quand mon regard croise celui de mon père. Il est assis sur la bergere pres de la fenetre, severe, les jambes croisées, le regard dur.
Que fait-il ici ? C’est impossible !
Je fais comme si je ne le voyais pas. Je m’assieds sur le bord du lit qui balance comme un hamac.
Tout doux le lit, tout doux. Regarde tes pieds, les pantoufles, elles sont de ton coté.
Et maintenant c’est la piece qui tourne lentement tout autour de moi .. lentement mais surement. J’en profite pour jetter une oeillade vers la fenêtre : il est toujours là ! Il n’a pas bougé.
C’est pas possible, je dois rêver, il est mort il y a presque 5 ans.
Il faut que je me réveille, que je me fasse mal. Mais pour me pincer il faudrait que je lache une mains, trop dangereux ! Face à lui je ne peu pas prendre le risque. Je vais plutot essayer de me lever pour me servir un verre, ça va m’eclaircir les idées. Je maitrise.
Je me releve, l’air de rien. Je pense qu’il n’a pas noté la difficulté que j’ai a le faire.
Et avec l’aide de mes fideles pantoufles, je glisse jusqu’au gueridon, prés de lui.
Je me verse un verre de ce délicieux Glenfidish, single malt, 25 ans d’age, qui trone là.
Allons mes mains, arrêtez de trembler.
Couvrant le son familier de la cascade d’alcool qui coule, j’entends mon souffle, nasal, rapide et fort.
Allez,vas-y jette un oeil sur lui : ose !
Il me fixe toujours sous ses gros sourcils broussailleux.
Pour la convenance il faudrait que je le serve lui aussi …
Je m’eclaicis la voix … Heum heum …
Papa tu prendra bien un petit whisky ?
J’ai l’impression d’avoir de la vase dans la bouche. Peut-être qu’il ne m’a pas compris....
Papa, un verre ?
Qui ne dit mot consent : je te sers... u pire je le boirai a ta place !
... encore ... encore … encore ?
Ah, ça a debordé un peu.
Non, non, ne bouges pas, je vais nettoyer … oui évidement tu n’allais pas bouger.
Qu’est ce qui t’amenne ?
Non, forcement tu n’es pas obligé de me répondre ....
Sinon moi ca va, comme tu vois.
Il fait chaud, non ? moi j’ai chaud. Oui c’est vrai je dois etre malade, je suis toujours malade comme maman.
Pour combler son silence, je leve mon verre.
Elle aussi va bien, enfin elle va mieux. Ca à été dur pour elle, tu sais ?
Je ne la vois pas souvent, il faut dire que c’est tout une expedition d’aller jusqu’a sa maison de repos. Tu es allé la voir ?
Non, évidement … pourquoi je pose la question ?
Allez encore une gorgée de wiskhy !
Ah ça n’a pas été facile à ta … disparition.
D’ailleurs je voulais te dire que je suis désolé, je nai pas pu entrer au funerarium.
Oui, c’est vrai je n’y suis pas allé...
Et puis je voulais aussi te dire autre chose. Voila : j’ai toujours eu peur de toi.
Toi, tu m’ignorais le plus souvent ou bien tu te moquais de moi quand tu étais à la maison … Et moi je cherchais a attirer ton attention, a te plaire. Oui, tu vois maintenant ca me fait sourire.
Eh bien le jour ou j’ai appris ta mort j’ai été danser toute la nuit ! J’en avais besoin. C’est drole non ?
Allez, je leve mon verre à ta santé papa … enfin …. tu me comprends … Non biensur tu ne comprends pas, tu n’a même jamais essayé.
Ah et puis entre nous, quelle mort fabuleuse papa ! Tu es vraiment sorti en beauté !
Si, j’insiste ! Te faire tailler une pipe par ta maitresse dans ta voiture stationnée au bord de la route … et se faire emplafonner par une camionnette, bravo ! Elle est morte etouffée par ton penis tranché dans sa gorge et toi d’une hemoragie coincé dans la voiture … si si Bra-vo !
Six mois d’hopital psy pour maman qui dans l’histoire a quand même aussi perdue sa soeur.
Tu permets, je me ressers un verre.
Ah, j’en ai encore mis a coté. J’ai quatre pieds gauches comme tu disais.
Un petit coup de manche de pyjama et hop, c’est propre !
Tu ne dis rien ?
C’est amusant, je crois qu’on vient d’avoir la plus longue conversation depuis ma naissance !
Bon c’est pas le tout mais demain je travaille et je suis fatigué : je vais me coucher. Tu peux rester si tu veux, on continuera à discuter demain.
Bonne nuit papa. Tu m’as manqué.