mercredi 8 août 2012

Memoires d'Hadrien, Marguerite YOURCENAR






Ce fut mon livre du mois de Juillet ... 1 mois pour le lire  !

Ce n'est pas qu'il soit particulierement difficile a lire ( quoiqu'il demande un peu plus de concentration qu'un thriller americain ... ) ou a comprendre mais qu'il est SAVOUREUX !
Je l'ai degusté ! Chaque moment passé avec ce livre fut un moment privilegié. Il est tres bien écrit et riche en réferences historiques.  Hadrien, comme un philosophe grec, dispense sa sagesse au fil des pages.

C'est un livre très dense dont la structure des phrases semble tirée des versions latines de mon enfance. Tres loin du peplum ou du roman historique classique.
Le travail est titanesque et la somme des connaissances pour produire un tel travail est egale a celle d'un historien specialisé, doublé des talents d'un grand auteur. Autant dire que ce n'est pas un livre comme les autres.

La philosophie d'une époque se confronte a celle de l'homme sage, à la vie bien remplie, qui fait le bilan.  Les themes sont tres actuels : le pouvoir (vu sous l'angle du vainqueur), l'amour (notement homosexuel), la mort ( celle de l'être aimé et la sienne ) , ... Marguerite Yourcenar a fait des choix dans son angle de prise de vue, mais le fait qu'elle fasse parler Hadrien explique qu'ils ne sont pas neutre : comme par exemple son accession au pouvoir ou la mort d'Antinous  dont il existe plusieurs versions .

Cet Hadrien est au tres attachant, il est une lumiere dans l'histoire romaine, une respiration dans les conquêtes sanglantes, on aime cet auguste vieillard qui fait le point sur sa vie avec lucidité.
Un livre que je remettrai volontiers de nouveau dans ma 'reading list' pour relecture ! 
Une inspiration pour nos dirigeants ....



Citations :

"La douleur se décante, le désespoir devient pur."

"La mémoire de la plupart des hommes est un cimetière abandonné où gisent sans honneur des morts qu'ils ont cessé de chérir."

"Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l'esclavage: on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d'imaginer des formes de servitude pires que les nôtres, parce que plus insidieuses : soit qu'on réussisse a transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libres alors qu'elles sont asservies, soit qu'on développe chez eux, à l'exclusion des loisirs et des plaisirs humains, un gout du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares. A cette servitude de l'esprit, ou de l'imagination humaine, je préfère encore notre esclavage de fait.Quoiqu'il en soit, l'horrible état qui met l'homme a la merci d'un autre homme demande à être soigneusement règlé par la loi. J'ai veillé a ce que l'esclave ne soit plus cette marchandise anonyme qu'on vend ..., cet objet méprisable dont un juge n'enregistre le témoignage qu'après l'avoir soumis a la torture, au lieu de l'accepter sous serment. J'ai défendu qu'on l'obligeât aux métiers déshonorants ou dangereux, qu'on le vendit aux tenancier de maisons de prostitution ou aux écoles de gladiateurs. Que ceux qui se plaisent à ces professions les exercent seuls : elles n'en seront que mieux exercées."

"Nouménios me fit parvenir une Consolation dans les règles ; je passai une nuit à la lire ; aucun lieu commun n’y manquait. Ces faibles défenses élevées par l’homme contre la mort se développaient sur deux lignes : la première consistait à nous la présenter comme un mal inévitable ; à nous rappeler que ni la beauté, ni la jeunesse, ni l’amour n’échappent à la pourriture ; à nous prouver enfin que la vie et son cortège de maux sont plus horribles encore que la mort elle-même, et qu’il vaut mieux périr que vieillir. On se sert de ces vérités pour nous incliner à la résignation ; elles justifient surtout le désespoir. La seconde ligne d’arguments contredit la première, mais nos philosophes n’y regardent pas de si près : il ne s’agissait plus de se résigner à la mort, mais de la nier. L’âme comptait seule ; on posait arrogamment comme un fait l’immortalité de cette entité vague que nous n’avons jamais vu fonctionner dans l’absence du corps, avant de prendre la peine d’en prouver l’existence. Puisque le sourire, le regard, la voix, ces réalités imponderables étaient anéanties, pourquoi pas l'âme ?"