lundi 14 janvier 2013

Atelier du 3 janvier 2013



Ici il s'agissait d'une tentative d’écriture à partir d’un explicit : “C’était les premières larmes que le jeune homme eu versées.” d'Alexandre Dumas.







 
Tout était arrivée si vite …
Un groupe d’ados du secteur 4, celui des travailleurs certifiés de rang delta, complètement chargés en amphétamine, avait bousculé Claude alors que celui-ci voulait leur vendre, sous le manteau, un chat naturel. Sachant que le matériel génétique animal non-cloné avait été interdit par une loi de 2047 par le gouvernement d’ Europe Uni. Claude, jeune chômeur du secteur 12 qu’on aurait mieux fait d’appeler ghetto, avait besoin de ce business pour nourrir sa copine et son fiston de quelques mois.

Les habitants des secteurs aisés étaient friands de produit non-OGM, mais la petite bande de potes du secteur 4 voulait juste s’amuser avec le chat et Claude.
Or Claude était un dur et l’altercation avait mal tourné pour un des garçons qui était tombé sur l’asphalte et s’était brisé le cou.

Arrêté en moins d’une heure grâce à la télé-protection et aux patrouilles de drones, Claude avait croupi 4 mois à la prison de La Santé. Au parloir il avait appris par son frère que sa femme se prostituait pour survivre et nourrir le bébé, vu que les maigres aides alimentaires de l’état étaient régulièrement extorqué par les caïds du ghetto.
Claude avait alors tenté de s’évader mais fut balancé par un codétenu pour un shoot de méthadone.

Au terme de ces 4 mois de détention, il fut jugé et condamné pour vente d’animaux prohibés, meurtre et tentative d’évasion.
En 2060 avec les milliards d’êtres humains et le peu de rentabilité et de perspective pour ce genre d’individu sans éducation, le service automatique de justice avait rendu une sentence rapide : la perpétuité à très faible intensité.

Claude fut donc transféré à l’hôpital de justice de La Santé pour y être opéré. Le procédé était bien réglé, il s’agissait de décérébrer le prisonnier et de maintenir son cortex en vie. C’était peu coûteux à entretenir pour les corpos pénitentiaires et privé de tout ses sens le condamné avait tout le temps de réfléchir... Juste un petit stimulus de temps à autre pour qu’il ne s’endorme pas, car une trop longue absence d’influx nerveux extérieur conduisait à la mort cérébrale.

Le gardien lui avait dit qu’il avait de la chance car pour des crimes plus durs, ils programmaient de petits courants électriques continus ou en rafale pour que le supplicié souffre pour l’éternité ….enfin plutôt jusqu’à ce qu’on le débrancha, mais qui s’en souciait ?

Aussi Claude, attaché nu sur la table d’opération laser de l’hôpital, pris de vertige et de pitié pour ceux qu’il laissait, versa une larme.
C’était la première larme que le jeune homme eu versé.




Atelier du 19 decembre 2012


Voici ma participation à un concours de nouvelles dont le sujet était : derrière la porte ...


La vie cent portes.




Coup d'œil à ma montre 9h49.
On est mardi 19 décembre 2012, la veille de la fin du monde Maya au commissariat de Nanterre.

Je patiente dans une petite salle d’attente mal éclairée, assis sur un bancs fixés au sol, face à la porte du bureau du commissaire. Je suis venu pour la disparition de ma femme et ça fait un bon moment que je suis là, devant cette porte, à attendre qu’elle s’ouvre. Déjà la semaine dernière j’avais du patienter longtemps pour le signalement, sans parler du planton 'unidigiste' qui épelait ma déposition sur son clavier. Aujourd'hui, mon rendez-vous avec le commissaire semble prendre le même long chemin ….

Donc j’attends.
Coup d'œil à ma montre 9h57.
Le temps ne passe pas.
Rien à faire, il n'y a aucun de ces magasines jaunis, aucune de ces affiches naïves punaisées à la gloire de la police, aucun de ces mauvais tableaux aux murs. Rien à voir, juste un néon au plafond, un radiateur électrique, deux fenêtres quasi opaques, quatre bancs vides et la porte du commissaire .

C’est une porte comme je n’en ai pas vu beaucoup. On y a collé sur toute sa surface des miroirs, une mosaïque de carreaux de verre de la taille d’une main, posés cote à cote. A l’intérieur je discerne une silhouette ébouriffée, chétive et sombre avec des yeux trop grands qui me fixent, les miens. Mon reflet me regarde, emprisonné derrière la grille que dessinent les joints entre les carreaux du miroir.

J’attends et je m’ennuie.
Avoir à faire à la police c'est comme avoir à faire aux docteurs, tu sais comment tu y arrives mais tu ne sais jamais comment tu vas en ressortir !
Mais elle va s’ouvrir cette porte à la fin ?
Re-coup d'œil à ma montre 10h03.
A cette heure-ci je devrais être au bureau, chez Alba Assurance. Je n'ai pas prévenu mon chef de service mais je ne pense pas qu’il osera me faire de réflexion compte tenu de ma situation. Il n’avait rien dit à Émilie la semaine dernière quand elle est arrivée en retard parce qu'elle avait perdu ses clés, alors moi qui ai perdu ma femme ça devrait passer !
Coup d'œil à ma montre 10h05.
Pffffffff ….

C’est vraiment étrange d’avoir mis une porte comme ça dans un commissariat, avec des miroirs. Je pourrais peut-être utiliser cette porte dans mon livre… Pour le moment j’écris des nouvelles, que personne ne publie, mais un jour j’écrirai un livre, mon livre.

Coup d'œil machinal à ma montre 10h13.
Je surprends encore une fois ces yeux qui me regardent dans la porte.
C’est moi ce gars ? J'ai un reflet de névrosé. Il faudrait vraiment que je me tiennes plus droit et que j'arrête de ronger mes ongles.

J'ai calculé que je suis ici depuis 53 minutes, à respirer les odeurs écœurantes de détergents et à entendre la rumeur monotone d'un secrétariat tout proche, bloqué devant cette porte... 53 minutes !

Une porte, en fait, c’est comme la couverture d’un livre, sobre ou illustrée, pléiade ou noire polar, elle m'annonce ce que je vais trouver en l’ouvrant. Une porte blindée je m’attends à quelque chose de précieux, une porte de prison à de l’ennuie, une porte de WC à une histoire de délivrance... Mais comme les couvertures de bouquin, quelque fois, c’est trompeur. Par exemple au bureau, je passe une porte capitonnée de cuir brun et je pense trouver mon boss dans une ambiance feutrée et là, je tombe sur son fils qui jure comme un charretier parce que je l’ai dérangé pendant sa sieste matinale.
Il faut pas toujours croire à ce qu’on veut vendre sur la couverture d’un bouquin.
Et puis quelques fois, c’est pas la couverture, c'est l’auteur qui est mauvais … et souvent, l’auteur c’est moi !

Et puis cette porte dans laquelle je me vois ... ça veut dire quoi cette couverture ? Qu’est ce qu’il va y avoir à écrire ou d’écrit derrière ?
Les talons d’une femme qui claquent sur le carrelage noir et blanc. Elle s’assied sur un autre banc près d’une des fenêtres grillagées.
Coup d'œil à cette femme, belle brune habillé comme un sac. Elle me regarde.
Coup d'œil gêné à ma montre 10h26.
Long soupir …


En y réfléchissant je me rends compte que toute ma vie j’ai ouvert des portes depuis la vulve de ma mère jusqu’à l’entrée dans ce commissariat, des tonnes de portes sans même y prêter attention. Plein de portes de tous les formats, des portes d’école, des portes d'ascenseur, des portes de magasin, des portes de frigo … partout des portes … et à la longue toutes ces portes m’ont changé !

Il y a eu des portes à secrets, comme les portes du placard dans le couloir de chez mes parents que j’avais ouvertes dans ma jeunesse. J’y avais trouvé les revues porno de mon père. Une révélation ! C’est d’ailleurs depuis ce temps là que j’adore fouiller un peu partout.

Des portes douloureuses comme celle de la voiture de ma mère. Et une fois les portières de la petite Autobianchi verte refermées c’était un mélange entre les auto tamponneuses et les wagonnets des montagnes russes : une aventure toujours mouvementée ...voire même pénible le jour où elle referma la portière sur mes doigts.

Des portes malicieuses comme celle des toilettes de la cabane au fond du jardin de mon grand père qu’un beau jour je n’ai pas pu rouvrir. Quelle crise de claustrophobie ! Ça m'est resté, je teste toujours les serrures des toilettes avant de les fermer. En plus il en avait mis du temps pour venir me secourir, et ça l’avait bien fait rigoler !

Des portes magiques comme les portes automatiques de l’aéroport Roissy Charles De Gaule que je franchissais un matin de mai 2008 pour découvrir la Chine et, surprise de l’auteur, j'y ai aussi rencontré celle qui allait devenir mon épouse.

Des portes tragiques comme les lourdes portes de bois de cette église de région parisienne. Une fois passées, le texte avait été déclamé par un prêtre qui en avait l’habitude : un drame religieux où deux êtres se condamnent et s’enchainent devant un parterre d’invités; et personne ne bouge pour les aider à ne pas commettre cette connerie qu’on appelle le mariage.
Quelques portes miraculeuses aussi. Comme les portes blanches de l’hôpital où je venais visiter mon père, presqu'aussi sec qu'une feuille en automne sous les draps des hôpitaux de Paris. J’ai refermé cette porte sur lui et puis je me suis dit : “Et si c’était la dernière fois?”. Alors je l’ai ouverte à nouveau et je lui ai dit de prendre soin de lui et que je l’aimais. Il a sourit. J’ai refermé la porte rassuré en pensant à prévoir un grand repas pour son retour à la maison. Ce fut la dernière fois que je le voyais vivant.


J’en ai des catalogues de portes que j’ai franchi ! Et j’ai constaté que c’est souvent au delà des portes les plus anodines que j'ai eu le plus de surprise... Comme derrière celle de ma chambre il y a trois semaines. Je revenais de la gare vers 10 heure à cause d’une 'certaine catégorie du personnel’ qui était en grève. Et poussant cette banale porte peinte en blanc, déjà mille fois ouvertes, je découvrais Pierre, le voisin, et ma femme qui se caressaient les seins, il en avait autant qu’elle …

Mais j’entends que ça bouge dans le bureau.
Coup d'œil à ma montre 10h51.
Voila que mon reflet disparait, chassé du miroir par celui de la jeune femme assise près de la fenêtre. La porte s’est ouverte sur le commissaire, un homme gris, un peu épais, avec un piètre sourire accroché sous le nez.
- Veuillez entrer monsieur Delaporte.”

Il s’efface pour me laisser passer. Puis il me tend la main et m’indique un vieux fauteuil devant son bureau métallique sur lequel trône un classeur tel un gros livre, mon dossier ?

La pièce est petite et la lumière qui pénètre par les fenêtres grillagées, identiques à celles de la salle d’attente, semble salir les murs jaunâtres. Je prends place et je regarde mes chaussures qui m’ont porté jusque ici. Je suis mal à l’aise et je regrette presque mon attente devant la porte à observer mon image à travers elle.
Pas de coup d'œil à ma montre.

A son tour, lentement, dans un soupir, le commissaire s’assied au bureau et tire le scripte à lui.
Est-ce que je devrais tout lui dire où bien sait-il déjà tout ?
Peut-être que derrière une autre porte, celle d'un pénitencier, j’aurais le temps de l'écrire mon livre ?