Avec un retard raisonable voici le texte produit pour cette session. Il s'agissait d'ecrire a la façon de Guy Foissy quand il donne au maccabé des oreilles pour écouter ce qui se dit a son enterrement ...
Bon, je sais, pour l'illustration je me suis fait plaisir :)
Amazing Grace s’acheve et je m’éveille lentement.
Le cercueil qui balançait de droite et de gauche vient d’être posé sans ménagement.
Je comprends que je suis a une cérémonie funèraire, la mienne.
Impossible de bouger englué dans mes ténèbres, impossible de crier non plus.
Calme, je me concentre sur les sons du dehors et je me rends compte que je ne respire pas. C’est inquietant mais c’est bon signe pour un mort …. un mort … eh oui je suis mort. Enfin mieux vaut que ce soit déjà fait :ça m’aurait ennuyé de mourir ici a mon enterrement asphyxié dans mon cercueil devant tout le monde.
Mais d’ailleurs, Comment est-ce possible ? Pourquoi ne suis-je pas au bout d’un sombre tunnel entouré de mes ancêtres baignant dans la lumière, ou bien en presence de quelque ange rayonnant … au pire de quelques démons fourchus! Mais non, rien.
Je tends l’oreille, c’est tout ce qu’il me reste. Ca chuchote, ca traine des semelles, ça se racle la gorge et ça renifle. Qui peut donc être venu ?
J’entends pas grand chose mais allez-y, que diable, mettez-y du coeur ! Pleurez !
Tout est calme, sauf un ronronnement sourd, lointain... Est ce que ma scélerate de femme me fait incinerer ? J’aurai du lui en parler … en même temps mourir à 34 ans je ne m’y attendais pas vraiment. Bon assumons que c’est la clim, je prefere un plein pied au Pere Lachaise, plutot qu’être un SDF du jardin du souvenir.
“Si la famille veut bien s’avancer et faire un dernier hommage au défunt” Résonne une voix forte, pas doute je suis à l’église. La derniere fois que j’y suis allé c’était pour me marier. On devrait jamais rentrer dans une église, c’est toujours pour y faire une connerie que l’on regrette apres coup.
“- Oh mon Henri ! mon chéri !” C’est elle, la bougresse, ma femme. Elle sanglote. Je ne la regretterai pas celle la . Mon pére avait raison. Ah elle peux même mourir celle-la que je porterai pas le deuil … enfin non, elle serait encore capable de me pourrir la vie dans la mort: Reste en vie ma chérie ! Ne viens surtout pas me rejoindre !
Déja d’autres personnes s’avancent... deux peut-être. Je reconnais le pas trainant de ma mère. Elle va encore se vanter à toutes ses copines qu’elle est la plus malheureuse, qu’elle a perdu son fils, tous les sacrifices qu’elle a fait ...etc ...etc ... Elle en rate pas une pour jouer la victime !
“ Repose en paix mon fils... Pourquoi ? Pourquoi mon fils ? … Jusqu’au bout il m’aura fait du soucis.” Et là dessus elle s’en retourne en se lamentant certainement soutenu par son dernier mari.
“- Henri tu es parti. Bonne route fils.” Mon père, routier de son metier, toujours tres observateur. Un optimiste. Il croit que je vais où ? Que je pars en vacances ? Ah mon père ! Bonne route à toi aussi.
Puis c’est le pas rapide et sec de ma soeur, perchée sur ses talons. Elle se racle la gorge, déglutie, elle semble genée.
“ Henri, je suis désolée, je me sens coupable. C’était notre idée à maman et moi de te faire ce cadeau... Mortel ! tu avais dit en prenant le coffret. Ah si j’avais su... Au moins tu n’as pas souffert, c’est le principal” Elle renifle un grand coup et s’eloigne lentemment, ses talons claquants au sol comme les sabots d’une jument.
Je n’ai pas le temps de reflechir que je perçois le pas lourd de Yannick, mon meilleur ami. Je le connais depuis le lycée, on a fait les 400 coups ensemble.
“ Repose en paix. La vie ne dure qu’un instant mais l’amitié est éternelle . Adieu l’Artiste… Repose en Paix… “ Bien, 4 phrases, il a du y passer la nuit. Et puis ‘adieu l’artiste’, il me prend pour un clown peut-etre ? Un clown ! Mais quelle mort de merde.
Enfin un petit groupe s’avance.
“Henri de la part de tous les collegues.” C’est Bethier, je le reconnais, le chef du CE. Il pose un truc lourd sur le cercueil. Pas la peine d’être medium, c’est du ‘made in china’. Ca a pas du leur couter cher, en tous cas moins cher que les verres qu’ils iront se payer apres la cérémonie.
“ Tu vas nous manquer, l’ami” C’est Debiez le comptable. Mais quelle bande de faux cul ! J’y crois pas ! Toujours a me vanner sur mes cheveux roux et ma petite taille. Et puis ca doit bien les arranger avec le plan social : ca fait un départ volontaire de plus !
Et Berthier qui répond “ Tu sais Debiez, c’est la vie : la mort ca peut arriver a n’importe qui.”
Mais pourquoi je dois me taper toutes ces conneries en guise d’oraison funèbre ?
“Toc TOC toc !
- Eheu ...qui est là ?
- Excusez moi, je suis en retard. J’ai eu une urgence avant de venir, un car scolaire en feu. Ca m’a pris un temps fou ! Allez sortez de la boite !
- Ah je peux ?”
Je m’assieds alors et j’ai la vision floue de silhouettes en rond tout autour, et d’un prêtre qui pontifie pres de moi : ca parle de dernier voyage et de poussiere.
On est dans une chapelle, à ma droite se tient un gars, brun, mal rasé, en impairméable gris avec a la main un formulaire.
“- Bon alors suicide, hein ? Remarquez avec des proches comme ça je comprends.
- non non ,c’était pas un suicide. C’etait un accident.
- Pardonnez moi, mais un type qui saute volontairement du haut d’un pont, pour moi c’est un suicide !
- Oui mais j’avais un élastique ! C’est un sport vous savez ?
- Desolé mais vous auriez eu l’elastique vous ne seriez pas ici: c’est un suicide ! Quoique la thèse de l’accident expliquerait vos derniers mots particulierement bien sentis : ‘ Et meeerde !’ Enfin c’est pas mon probleme, voici votre citation à comparaitre.”
Je dois avoir l’air d’un ahurie car il enchaine “ vous savez, le jugement des âmes ? Vous étes bien catholique romain, nan ?
- Oui , enfin pas très pratiquant.
- C’est pas important. Allez, on se dépèche , j’ai un alzheimer après vous et si je tarde, je vais jamais le retrouver !
Le prêtre termine son sermon monotone : “ ...Et vous, chrétiens, frere, ami, l’homme que vous regrettez a changé son existence fragile et mortelle pour l’imortalité bienheureuse. Quel espoir d’être un jour à nouveau réuni avec lui dans ces nouveaux cieux et cette nouvelle terre ! Que cela tarisse vos larmes et ranime votre courage. Allez en paix, tous les prix de la vertu vous attendent.”
Fort a propos ma femme se mouche bruyament et je quitte ce monde.