Où il s'agissait d'expliquer a son personnage sa scène :
C’est l’été, le ciel de Paris s’est habillé d’une nuit claire. La ville ronronne et tu respires son air tiède et vicié qui te tue, qui te ronge.
Rue Linné, tu te diriges vers une bouche de métro. Tes semelles claquent sur le trottoir encombré de badauds plantés à l’entrée des bistrots qui clopent leur mégots. Tu ne les vois pas car tes pensées ne suivent pas tes chaussures, elles vagabondent sur le visage de Jamila, réchauffé par le soleil de son regard noir.
Mais il faut te faire une raison, elle ne reviendras pas.
La semaine dernière, elle t’a enlevé ton passé comme un vieux manteau sale et abîmé. Ces souvenirs que tu croyais heureux étaient pour elle désastreux. Elle te l’a dit, elle n’a plus d’amour pour toi, elle ne sais pas pourquoi mais tes baisers sont devenus amère et tes caresses rugueuses. Toi, tu penses à elle tout le temps en maudissant son absence dans le silence de ton appartement. Tu ne comprends pas que ton amour ne suffise pas. Tu es seul dans un monde devenu sombre, parcouru d’ombres. Ta vie est sans éclat, les rues roulent sous tes pas et te conduisent presque malgré toi, vers ce métro que vous aviez l’habitude d’emprunter.
Comme l’autre jour où tu étais entré dans cette brasserie place de Clichy. Vous aviez coutume d’y déjeuner sur le pouce avant d’aller au ciné. Le patron t’avait reconnu: “ Ah, mais c’est nos amoureux ! On attend mademoiselle ?” Ta gorge et ton coeur s’étaient serrés, c’était physiquement douloureux, et l’eau de tes yeux bleu avait bien failli déborder sur tes joues blême. Oui, on l’attends, mais elle ne reviendra pas.
Peut-être as tu approché le soleil de trop près et tes ailes sont-elles brûlées ? Alors tu tombes, tu tombes inexorablement, tu sombres, tu te gâtes, tu pourris jusqu’au moment où son regard s’étreindra des yeux de ta mémoire. Alors tout sera fini…tout est déjà fini !
Tu ne t’en ais pas aperçu mais tu descends les marches de la station Jussieu, ligne 7.
Il y a des gens autour de toi. Que font-ils là ? Les inconscients, ils rient !
Ils ne comprennent pas qu’ils sont des enfants qui ne maitrisent rien, de petites coquilles de noix sur l’océan. Toi tu sais que leur pouvoir sur l’existence est faible, dérisoire, illusoire car toi aussi quand elle était là, tu te croyais invincible ! Et puis elle est parti et tu as compris la vanité qu’il y a à être heureux.
Tu regardes cette légion grouillante alignée sur le quai, ils sont comme des microbes sur une plaie infectée. Mais comment as-tu pu être aveugle à ce point ?
Alors son image te revient, encore.
Ses lèvres sur les tiennes, elle était dans tes bras quand vous vous retrouviez après le travail. Sa petite main dans la tienne. La tendresse et l’admiration que tu lisais dans ses grands yeux sombres alors que vous refaisiez le monde à la nuit tombée. Puis vous faisiez l’amour, la chaleur animale de son corps généreux pressé contre toi … la douceur de sa peau cannelle. Et le sourire d’enfant qu’elle te tendait en se réveillant à tes coté le matin. Tant de souvenirs, tant de rire, tant de rêve d’avenir ….. et tant de vide pour finir.
Elle est parti avec ce passé tellement plus riche que ton présent, si decevant …
Elle est parti mais tu sens que l’univers entier guette toujours son retour. Mais ...
… Elle est parti et elle ne reviendra plus, plus jamais. C’est terminé,
Elle est parti.
Tu es seul, prisonnier à perpétuité de ta propre vie, médiocre, et le temps fuit tellement lentement que perpétuité va être une éternité, une éternité froide et grise.
Allons mignonne, voir si la rose qui ce matin avait éclose se nécrose !
Finalement ils avaient raison, l’amour est comme une rose, belle et cruelle, qui une fois cueilli se fane.
Toutefois, avant de faire ce dernier pas vers la voie, tu souris à penser que cette rose sera le fumier d’une autre fleur que tu ne verras pas, et tu rentre chez toi.