mercredi 18 juillet 2012

Billet d'humeur ... sombre.

Claude, mon oncle.


Hier soir à 20h30 son coeur a cessé de battre. Son sang chaud s'est figé dans ses veines. Ses poumons ont suspendu leurs mouvements. Le cerveau est resté quelques instants seul, endormie, de moins en moins sollicité par les échanges nerveux. L'oxygène a fait défaut, tout s'est arrêté.

Evidement ce n'était pas une surprise. La maladie avait fait son oeuvre et comme le fruit déjà mur, on savait que la saison était arrivée et qu'il allait se détacher de l'arbre. Tomber.

Il était arrivé à bout de course et maintenant le travail de destruction, déjà entamé, était totalement en marche. Les bactéries allaient proliferer. Certains tissus se liquéfier. D'autres se rigidifier. Le corps allait s'effacer comme sa mémoire.
Effacés ses souvenirs d'enfance au soleil de la Martinique.
Effacés les années a jouer dans les champs de canne a sucre, à faire du foot avec les freres et les copains, son mémorable vol d'oranges.
Effacés la tristesse, les fanfaronnades, les bêtises et les premieres amours.
Effacés son voyage en métropole, l'armée, la guerre d'Algérie et les petits boulots.
Effacés ses peurs, ses regrets, ses envies, ses questions.
Effacés ses gouts, sa bonne humeur, son bagout et ses antipathies.
Son corps, vieilli, rongé par la maladie s'est durcit. Claude n'est plus là, seul nous reste son cadavre, l'outils cassé qui avait porté sa vie et qui en se brisant a définitivement déchiré une page d'histoire et  défait l'esprit qui l'animait.

Certes le monde continue de tourner. Certes pour la presque absolue majorité de l'humanité personne n'a ni remarqué sa présence, ni son abscence.
Mais à moi il me manque avec sa voix et son regard, ses plaisanteries et ses avis tranchés, ses provocations et ses conseils, ses plaintes et sa cuisine, son amour des femmes et de sa femme, ...

Adieu Claude, tu me manques.
Je me souviendrai de toi jusqu'a ce qu'arrive mon tour.



Billet d'humeur maussade ....

Ma ballade, un été, en Haute Provence.






Je parcourais un petit chemin dans la garigue.
Je n’avais ni connaissance des lieux, ni plan mais j’allais toujours plus loin. La route m’appelait et me conduisait encore plus haut dans les collines.
Comme lorsque j’étais enfant, je ne savais plus m’arrêter une fois lancé.

J’arpentais d’un pas alerte la trace de pierre qui était le chemin. Les grillons stridulaient frenetiquement “ grii griii griiii grii “ tandis que quelques oiseaux pepiaient paresseusement.
Il ne faisait pas encore trop chaud, c’etait la fin de la matinée. Je m’etais taillé lors d’une courte halte un baton de marche comme le faisait mon père lors de nos promenandes en Suisse.

Je traversais des massifs de taillis où les fleurs aux couleurs vives, violettes, jaunes, rouges ou blanches étaient comme des goutes de peinture tombées de la palette d’un impressionniste.
Parfois je découvrais un étroit puits cerclé de pierres superposées et couvert de bois sec; ou bien j’empruntais de frais et longs tunnels végéteaux faits de chênes verts et de jeunes pins. Mes seuls rencontres étaient celles de papillons bleus, marrons , jaunes et blancs qui croisaient paisiblement ma route,  ou bien encore de quelques lézard effrayés s’enfuyant a mon approche. Je remarquais mille détails : cette branche morte d’un genevrier qui gisait noiratre sur le chemin, etalant ses ramures decharnées comme les pates d’une araigné; cet arbuste solitaire et figé  entirement recouvert de lychens; cet arbre majestueux enveloppé d’un lierre mort d’un age séculaire  qui etait comme l’etreinte d’un squelette fantastique.
Le parcours n’etait pas aisé, fait de cailloux comme le lit asseché d’un torrent, aussi je m’appuyais sur mon baton pour l’escalade du coteau.

Puis l’heure me rattrapa.
Il etait presque midi et je devinais mon épouse, au loin a la maison, se demander où j’etais , vers quelles femmes lubriques je m’étais tourné. Déjà résonnait à mes oreilles sa voix plaintive et grinçante me jugeant couplable de tout ses malheurs et me sermonant sans fin.
Alors je m’arrêtais dans mon ascention.
Du flanc de la colline, un paysage grandiose s’entendait a mes pieds. Toutes les fermes dont celle où nous logions d’ici si petites, les rangés d’arbres qui cachaient les routes et separaient  les champs géometrique de blé ou de lavande, plus loin les doux vallons tachétés de bois et de bosquets. Et à l’horizon les monts lointains mélés dans un clair bleu-gris couleur de crepuscule.
Je me rendais compte pourtant que tout autant que la marche pour venir ou le panorama qui s’offrait a mes yeux, ce qui me plaisait ici c’etait la solitude..

Je fis une photo de l’endroit que j’avais donc atteint, la frontiere de ma liberté. Puis, pris d’une folie et d’un enthousiasme juvenile, je devalais la pente que lentement j’avais gravie. Je courrais dans les cailloux blancs et les pierres plates, prennant appuie  sur un coté du chemin encaissé pour rebondir sur l’autre. Ainsi je gambadais comme un lourd cabri de 42 primptemps. Mon baton de marche  trainais maintenant et effleurait la végétation, ce son donnait l’impression que quelqu’un courrait a ma suite.
J’entendais derriere moi, venant du passé, la voix forte de mon pere:
“Fabrice ! Ne cours pas, tu vas tomber ! Fabrice !” 1
Combien de fois l’avais-je entendu cette phrase dans mon enfance !
Et celle de ma mere : “Ne t’éloigne pas, il faut qu’on puisse te voir !”
Et je courrais. Je courrais comme avant, insouciant. Je courrais a perdre haleine sans penser a l’apres. Je courrais et je leur désobeissais encore maintenant, alors qu’ils n’étaient plus là depuis longtemps.

Et encore j’entendais mon pere s’inquieter : “Fabrice, tu va tomber ! Ne cours pas !”. Mais tant que j’avais des forces je courrais vers la vallée rejoindre les fers de ma vie de soumission.