lundi 1 avril 2013

Atelier du 20 mars 2013



Il s'agissait d'écrire un texte comme le fit Nathalie Saraute dans ‘Enfance’ qui décrit un souvenir de transgression.




La banlieue grise d’un petit matin d’hivers où les griffes des arbres decharnés grattent molement le ciel moribond de la nuit. Un bus accelére lourdement lachant un nuage sombre, la lueur jaunatre de ses phares se refletant sur l’asphalte gras et humide.


Les passagers muets et moroses feuillettent avec attention des journaux gratuits de propagande, souvent bercé par la musique nasillarde que crache leur casque. D’autres sont endormis la tête sur la poitrine ou la joue sur la vitre rayé et embué. D’autres encore sont plongés dans la contemplation de leur téléphone en plastique dont l’écran les irradie.


Manteaux noirs, chaussures noires, ils vont a l’enterrement de leur journée.
Des quintes de toux fleurissent sur le silence sale comme de la mauvaise herbe. L’air chargé de leurs miasmes les réunis dans ce tombeau de métal qui coupe l’aube de ses feux et l’asphyxie de son diesel.




Il est là,dans ce bus qui ronfle doucement. Crispé, concentré, il ne voit plus autour de lui.
Il est agé, vêtu très soigneusement. Ses cheveux courts et gris sont assortis à ses yeux de la même couleur, neutre. Le visage ridé, la peau pâle et des mains tavelés qui agrippent le chrome glacé d’une des barres de l’allée. Il ne va pas bien mais il veut faire bonne figure, ne déranger personne. En silence, il résiste.


Puis le viel homme qui se tenait d’ordinaire si droit, tombe comme un arbre coupé au milieu de cette forêt d’inconnue. D’abord il s’écroule, raide, sur les genoux. Une femme d’origine africaine en boubou tente en vain de le remettre debout et s’inquiète pour lui, pendant que d’autres voyageurs blâment déjà du regard ce fauteur de trouble ou s’évertuent à l’ignorer.
Finalement le vieil homme s’écrase sur le sol de caoutchouc parmi les chewing gum, les crachats et les canettes abandonnées.


Il respire difficilement.


Il a peur mais il ne renonce pas, il ne veut pas que cette bétaillère soit son cimetière.
Pourtant la mort est là, penchée sur lui avec toutes les têtes de cette foule à peine sorties de leurs lits moites. Peut-être est-ce son cerveau mal irrigué, mais il la distingue qui le regarde froidement.


Le viel homme ne veut pas se soumettre.
Il a fait plusieurs guerres et il a assité à la mort de camarades et d’ennemis aussi. Il a vu de longues agonies, la peur au ventre , les larmes àl’oeil et les prieres muette. Et lui il ne veux pas, pas lui !
Il a vécu des couchers de soleil sur les dunes du Sahara où apparaissaient les étoiles comme des fleurs dans le jardin de la nuit. Il a écouté pendant des mois le rythme sacré de l’océan Atlantique lorsqu’il le traversait en rêvant perdu a bord d’un rafiot a vapeur. Il s’est battu comme un tigre contre les éléments déchaînés dans des tempêtes tropicales en Asie. Il a été le dernier confident de ce griot sans âge qui vivait au pied de son baobab au Cameroun, lui legant les secret des esprits de la foret.
Il a fait tant de chose, vu tant de chose et compris tant de chose qu’il ne peut pas mourir ici dans ce bus de banlieue crasseux. Alors il regarde la mort en face, il pourrait la toucher tant elle est proche, et de ses dernières forces il hurle : NON !                    ... et la mort l’emporte.